vendredi 25 avril 2008

Un triste anniversaire

En ce 25 avril, le Tibet célèbre l’anniversaire de Gedhun Choekyi Nyima, connu surtout par son titre, le 11e Panchen Lama. Or cette anniversaire n’est pas un jour de réjouissance pour les Tibétains. Laissez-moi vous expliquer pourquoi.

La succession du pouvoir

Comme vous le savez sûrement, le Dalaï Lama est une réincarnation. Il ne peut être élu et un nouveau Dalaï Lama ne peut être nommé avant sa mort, puisque c’est la même âme qui revient pour diriger la destiné du peuple tibétain. Afin d’authentifier la réincarnation suivante, le jeune garçon pressentie doit passer une série de tests qui prouvera qu’il s’agit bien de la même personne.

Celui qui a l’autorité moral d’approuver cette réincarnation est le Panchen Lama. Qui est au juste le Panchen Lama ? Et bien il est lui aussi une vieille âme qui revient vie après vie. Donc, lorsque le Dalaï Lama décède, le Panchen Lama officialise la reconnaissance de la nouvelle réincarnation et vice versa. Quand le Panchen Lama décède, c’est le Dalaï Lama qui reconnaît officiellement la nouvelle réincarnation.

Bref, c’est deux âmes qui se connaissent des centaines d’années et qui sont capables de se reconnaître après une longue absence.

Le 11e Panchen Lama

Lorsque le gouvernement communiste chinois est venu « libérer » le Tibet, il a vite compris que le Dalaï Lama était la clé de voute du peuple et de la culture tibétaine. Le neutraliser signifiait de neutraliser en grande partie la résistance tibétaine. Or lorsque le Dalaï Lama s’en enfuit en Inde en 1959, le gouvernement chinois a mis en place un plan B.

En effet, le 10e Panchen Lama est resté au Tibet. Dans l'espoir de le « convertir », le gouvernement chinois a nommé le 10e Panchen Lama vice-président du Congrès National Populaire du parti communiste. Avec un peu de chance, il exprimerait la politique du gouvernement chinois et dénoncerait le Dalaï Lama comme traître. Disons que ce n'est pas tout à fait ce qui s'est passé et pour faire une histoire courte, il a été emprisonné quelques années, puis il a pu retourner au Tibet, où il est mort dans des circonstances étranges en 1982.

Gedhun Choekyi Nyima est né le 25 avril 1989. Le Dalaï Lama l'a reconnu comme 11e Panchen Lama en 1995. Peu de temps après, Gedhun Choekyi Nyima et sa famille ont été enlevés par les autorités chinoises. Gedhun Choekyi Nyima n'avait que 6 ans! Ce qui en fait le plus jeune prisonnier politique au monde.

Le gouvernement chinois a ensuite désigné un autre garçon comme Panchen Lama, et a tenté de forcer les Tibétains à l'accepter, sans succès.

En ce 25 avril 2008, alors que le Panchen Lama fête ses 19 ans, nous sommes toujours sans nouvelles de lui.

Le grand complot

Donc, vous comprendrez que le gouvernement chinois à tout à gagner de l’indécision du monde occidental. En fait, la Chine achète du temps, en attendant que le Dalaï Lama meure de sa bel mort. À partir de là, c’est le gouvernement chinois qui théoriquement désignera le prochain Dalaï Lama. Rien de moins!

Bien sûr, avant sa mort, le Dalaï Lama va préparer un plan d’urgence. Mais il y a fort à parier qu’on va se retrouver avec 2 Dalaï Lama, un « chinois » et l’autre tibétain. Qui la communauté internationale va-t-elle reconnaître comme le représentant légitime des Tibétains ? On peut craindre le pire.

La 2e libération

Depuis un mois je lis de nombreux articles à propos de la situation du Tibet. Plusieurs tentent de minimiser la situation en utilisant les arguments suivants :
  • La Chine contrôlait le Tibet depuis déjà un bon moment. (argument très contestable...)
  • Ça fait plus de 50 ans que ça dure (comme si ça légitimait tout!)
  • Les Tibétains étaient déjà sous le joug de la dictature religieuse.
Ce dernier argument m'irrite particulièrement. Je suis bien prêt à admettre que le Tibet du début du siècle dernier n’était peut-être pas le paradis qu’on voudrait parfois s’imaginer. Il est vrai que le pouvoir religieux y était omniprésent.

Voilà maintenant plus de 50 ans que le Dalaï Lama a fuit le Tibet et encore aujourd’hui, aux yeux des Tibétains, il est le chef incontesté. Ce dernier a mis en place un gouvernement démocratique en exil, or les Tibétains en redemandent. Je côtoie la communauté tibétaine en exil depuis 7 ans, j'en ai mariée une et je peux vous assurer que je suis aussi critique envers l'institution bouddhiste qu'envers le pouvoir catholique.

Alors, vouloir laïciser la politique tibétaine à tout prix, cela revient à vouloir « libérer » le Tibet une 2e fois. Il faut avoir l’esprit suffisamment ouvert dans cette crise pour se dire qu’un peuple peut parfaitement s’épanouir dans autre chose qu’une démocratie laïque. Nous avons fait nos choix de société, respectons les leurs.

Quant à ceux qui parlent du progrès accompli depuis l'arrivée des Chinois au Tibet, c'est un peu simpliste comme argument. Dois-je vous rappeler que les femmes ont eu le droit de vote au Québec en 1940? Avons-nous eu besoin du gouvernement communiste chinois pour nous « libérer »?

Christian Fortier

1 commentaire:

Unknown a dit…

Je pense qu'il ne faut pas résumer les reconnaissances des réincarnations successives du Dalaï Lama et du Panchen Lama à leurs reconnaissances mutuelles exclusivement.
À preuve, l'actuel Dalaï Lama et le Panchen Lama avaient à peu près le même âge lorsqu'ils sont allés rencontrer ensemble Mao Tsé Toung en Chine dans les années 50. L'un des deux ou les deux n'a certainement pas reconnu l'autre, étant trop jeune pour ce faire! Il y a de nombreux grands maîtres capables de reconnaître les réincarnations d'autres grands maîtres. En fait, ce processus est plus complexe et plus contrôlé que ce qui est décrit ici. Plusieurs personnes y contribuent et de nombreuses vérifications sont faites.
Cela rend d'autant plus risible la tentative des politiciens chinois de faire reconnaître leur propre désignation comme Panchen Lama, ou même la loi de septembre 2007 selon laquelle toute nouvelle réincarnation doit être reconnue et approuvée par le gouvernement chinois... !!!!!!

Espérons que ces quelques commentaires puissent contribuer à faire avancer la cause des Tibétains,

Hélène Gilbert